Acte 2 politique théatre jacques et bernadette chirac theatre


jacques et bernadette chirac, vous vous souvenez ?
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Monsieur le maire, sa femme et les élections présidentielles


Acte 2

Même décor... excepté le gazon « grillé ».
Bernadette radieuse, installée dans son « fauteuil directeur », une revue en main... elle ne lit pas, attend avec impatience.

On entend Jacques chantonner « on a gagné ». Il entre euphorique. Bernadette se plonge dans une fausse lecture. A peine passé la porte, Jacques regarde son gazon et s’arrête net à un « on a ga ».

Bernadette l’observe d’une manière se voulant discrète mais cache difficilement sa joie. Jacques est comme tétanisé.

Comme si de rien n’était :

Bernadette : - Nous avons encore gagné, Jacques.

Jacques s’approche de son gazon (dos au public donc), se penche vers lui, le touche.

Bernadette sourit : - (pour le public) J’ai gagné. Il lui faut des grandes baffes à mon Jacques, et il repart. Une baffe et je repars, ça pourrait vraiment être son slogan. Un coup comme ça, Edouard ne s’en remettrait pas.
Jacques toujours de dos : - Un traître. Il n’y a qu’un traître pour m’avoir fait ça. (se retournant vivement) Qui est venu ici durant mon absence ?
Bernadette, surprise dans son sourire, se fige.

Jacques : - Vous ? Vous Bernadette... Je vois dans votre sourire...
Bernadette gênée, cherchant sa réplique : - Oui Jacques, je souriais. Je souriais car je me doutais de votre réaction.
Jacques : - Mais c’est votre sourire, madame.
Bernadette : - Je souriais car vous cherchiez un traître pour expliquer la mort de ce gazonneau. Et je vois que vous cherchez désormais la trahison même dans votre maison.
Bernadette attend une contradiction qui ne vient pas.
Bernadette : - Comme souvent, vous me considérez responsable en cas d’échec et ne savez pas reconnaître ma part de travail dans la réussite.
Jacques (pour le public) : - Blabla blabla... ta part de travail, quand tu auras serré les mains bien gercées de cinq mille trois cent douze bouseux au salon de l’agriculture, tu sauras ce que c’est de mouiller sa chemise.
Bernadette continue : - Subodorant votre probable injuste réaction, j’ai pris l’initiative, ce matin, de téléphoner à notre ami Nicolas, Nicolas l’éminent scientifique...
Jacques : - Ecolos de mes
Bernadette plus haut, qui couvre sa voix pour éviter d’entendre la suite : - Pour lui demander si le fait d’imbiber avec du champagne, chaque matin, 600 centimètres carrés de brindilles de mauvaise herbe.
Jacques : - Mauvaise herbe !
Bernadette : - Déjà peu vigoureuse, pouvait, après 17 jours, causer une mort irrémédiable. Vous voulez savoir ce qu’il m’a répondu.
Jacques : - Sur ce sujet comme sur d’autres, son avis, vous savez...
Bernadette laisse peser le silence : - Afin que cessent vos allusions injustifiées, même si vous ne me présentez pas des excuses avec la solennité exigée par vos injustes insinuations, notre ami Nicolas est formel : le champagne est déconseillé comme liquide d’arrosage ; je vous épargne les termes techniques, mais la composition du champagne peut s’assimiler à une surdose d’engrais....
J’ai naturellement évité de signaler à cet éminent scientifique que ce champagne était votre troisième bouteille de Don Pérignon... Au gré de notre amicale conversation, il m’a d’ailleurs confié une de ses idées, et je l’ai jugée très intéressante... elle pourrait redresser votre courbe d’opinions favorables...
Jacques : - Mais naturellement je vous écoute...
Bernadette : - Il s’agirait de trouver l’opportunité d’un grand discours écologique, à l’étranger de préférence, que la tribune soit mondiale, sur le développement... durable. Oui... le développement durable, c’est son concept, qu’il est disposé à venir vous exposer dans les détails, il va même publier un livre sur le sujet... Il est persuadé que c’est sur ce terrain que se gagnera la présidentielle...
Jacques crie : - Bernard !
Bernadette a un frémissement (non remarqué par Jacques).

Entre Bernard : - Monsieur m’a appelé.
Jacques : - Je suppose que vous savez.
Bernard, très cinéma des années 50 : - Oh monsieur, c’est moi qui ce matin ai constaté le décès... j’ai tout de suite pensé à l’immense chagrin qu’allait ressentir monsieur. Je tenais à vous présenter toutes mes condoléances attristées.
Bernadette pour elle-même : - Mais il fou !
Bernard, continuant : - Et je me suis tout de suite précipité à la cave.
Jacques : - A la cave ?
Bernard : - Pour vous remonter quatre bouteilles de Don Pérignon. Je me suis dit que si une telle chose m’arrivait, je prendrais quatre bouteilles et j’irais me coucher... j’ai bien fait monsieur ?
Jacques : - Vous buvez du champagne, Bernard...
Bernadette pour elle-même : - En plus de nous voler il nous vole.
Bernard troublé : - Du champagne, du champagne... c’est comme ça qu’on appelle du mousseau, du Paul Bur, c’est le meilleur rapport qualité prix que j’ai trouvé, ça ne coûte pas plus cher qu’un gros pain. Quand on se fait une petite fête, avec Caroline, on ouvre une bouteille de Paul Bur... je sais bien que la circonstance n’est peut-être pas bien choisie, mais une augmentation...
Bernadette : - Il manque pas d’air celui-là !, il va en avoir une belle d’augmentation, elle s’intitulera indemnités de licenciement, puisqu’on ne peut même plus simplement « signifier son congé ». Vous parlez d’un progrès !
Jacques : - Allez, vous êtes bien brave, Bernard, apportez deux coupes, on va trinquer ensemble...
Bernadette : - Trois coupes.
Jacques : - Vous, madame !
Bernadette : - Vous êtes bien entré en criant, « on a gagné », je suppose que vous avez signé un juteux contrat.
Jacques : - 10% ! Pour tous les travaux dans les établissements scolaires. On va avoir les plus beaux lycées du monde ! Et pour qui le pactole ? Et pour qui la belle avance ? Non madame, votre mari n’est pas battu. On va voir ce que l’on va voir, je saurai me battre... tenez Bernard, en même temps que les bou-teilles, ramenez-nous la valise sous la commode Louis XVI.
Bernard sort.
Bernadette sourit (on peut imaginer qu’elle pense : oh le grand enfant... une claque et il repart).
Bernard rentre sans bouteille mais avec l’attaché-case

Bernard : - Monsieur le maire, monsieur Antoine désire vous parler.
Jacques soulève la main droite : - Vous lui direz que vous ne m’avez pas trouvé.
Bernadette : - Que vous a-t-il fait, ce cher Antoine ?
Jacques : - Il a failli tout faire capoter avec son « rappel des nouvelles dispositions légales ». Ça jette un froid un truc pareil.
Bernadette : - Mais Jacques, vous ne seriez quand même pas dans l’illégalité ?
Jacques : - Moi ? Oh ! Jamais ! Antoine a toutes les délégations pour traiter ce genre d’affaires. Je suis au-dessus de tout ça, voyons madame, je suis monsieur le maire quand même... même si parfois vous semblez considérer ce poste comme dérisoire.
Pendant cet échange, Bernard se place de façon à n’être pas vu de Bernadette et tente de communiquer à Jacques une information par signes, d’abord en décrivant un téléphone, puis en montrant l’aquarium puis finalement en sculptant des mains les hanches d’une femme. Jacques soudain comprend.
Jacques : - Bon, bon, puisque vous insistez madame, j’y vais, j’y vais.
Et il se précipite...

Bernadette : - Vous êtes bien pressé soudain.
Jacques en sortant : - S’il n’en reste qu’un, vous avez raison, ce sera le meilleur d’entre nous ! Je lui dois quand même un peu d’attention...

Bernadette soupçonneuse, cherche Bernard du regard.

Bernadette: - Georges, vous pouvez me certifier qu’il s’agit bien d’Antoine ?
Jacques : - Oh madame ! Je reconnaîtrais sa voix entre 10 000.
Bernadette : - Vous sauriez parfaitement la différencier avec celle d’une femme... une femme en particulier...
Bernard : - Oh madame...
Bernadette : - Soit. J’apprendrai sûrement dans la journée qu’Antoine était en réunion à cet instant précis, et qu’il n’a pas parlé à monsieur le maire depuis hier soir... (en regardant Bernard) vous serez parfaitement d’accord avec moi, que dans ce cas, je ne pourrais naturellement plus continuer à vous accorder ma confiance.
Bernard : - Oh madame... après tout ce que j’ai fait pour vous, après tant et tant de bons et loyaux services ! être viré à cause d’un imitateur.
Bernadette : - S’il s’agissait d’un imitateur, monsieur le maire serait déjà de retour.
Bernard : - Si je me suis fait avoir par un imitateur, monsieur le maire peut aussi être piégé.
Bernadette : - Ne soyez pas insolent. D’ailleurs je n’ai plus besoin de votre service. Vous reviendrez quand monsieur le maire aura terminé sa consultation téléphonique.
Bernard sort.

Bernard pour le public : - Y’a des gens, c’est à vous dégoûter de leur rendre service.
Bernadette : - Toujours une bonne chose de faite !... Que va-t-il m’inventer cette fois-ci ?
Elle va chercher l’attaché-case qu’avait posé Bernard près de la porte d’entrée. Se rassied. L’ouvre.
Bernadette souriant : - Ah ce Jacques !... (grands yeux émerveillés) il n’a pas que des défauts... au moins la petite ne manquera jamais du nécessaire.

Jacques rentre tout guilleret... il jette un bref coup d’oeil à l’aquarium et sourit.

Jacques : - Alors, ce noble breuvage adoré ? (crie :) Bernard !
Entre Bernard : - Monsieur.
Jacques : - Bin alors, mon ami, où étiez-vous passé ?... y’a du relâchement dans le service !
Bernard : - Madame m’avait prié de patienter ailleurs.
Jacques observe Bernadette avec toujours la mallette sur elle.

Jacques : - Vous avez compté...
Bernadette : - Compté non... mais c’est beau... et tout est à nous ?
Jacques : - Pas un seul intermédiaire... Antoine seul a vu. Donc personne n’a vu !
Bernadette : - Antoine, toute l’honnêteté d’un grand commis de l’état... c’est un homme comme lui qu’il nous faudrait comme majordome...
Jacques : - Encore une bonne nouvelle, chère épouse... Nous allons gagner...
Bernadette : - Vous dîtes ?
Jacques : - Nous allons gagner... la popularité (de l’index il tend une ligne droite partant du bas vers le plus haut qu’il puisse... se dresse même sur la pointe des pieds... et finalement monte sur une chaise... et manque de tomber... Bernard se précipite pour le soutenir).
Jacques : - Ah Bernard, vous avez bien mérité votre Don Pérignon.
Bernard doucement : - Et si vous pouviez en profiter pour dire deux mots à madame, elle veut encore me virer, et cette fois elle semble obstinée.
Jacques : - Ne vous inquiétez pas cher ami, ce ne sont que des mots. Vous êtes de la maison.
Bernadette plus haut : - Je suppose que la deuxième partie de votre démonstration, c’est la popularité de votre ancien ami ?
Jacques : - Votre humour... si la France pouvait en profiter aussi...
Bernadette semble ravie : - Et quel miracle va opérer cette irrésistible ascension ?
Jacques : - Un livre.
Bernadette : - Vous avez lu les bonnes pages d’un livre à scandale sur le traître ?
Jacques : - Je vais écrire un livre.
Bernadette : - Et qui va vous l’écrire ?
Jacques : - Heu... hé bien Antoine naturellement.
Bernadette : - Ne plaisantez pas, Jacques, vous ne préparez pas le concours d’entrée à l’ENA.
Jacques : - Antoine et quelques conseillers.
Bernadette : - Conseillers, vous écrivez cela è-r-e à la fin ?
Jacques : - Oh ! Madame !
Bernadette : - Et il racontera quoi ce livre ?
Jacques : - Vous en aurez la primeur... comme vous devez réaliser votre pèlerinage annuel en Corrèze, nous avons pensé que la date serait bien choisie pour une mise au vert, une petite quinzaine de travail, de brainstorming... et à votre retour, vous lirez ça... naturellement votre avis sera apprécié...
Bernadette semble soupçonneuse à partir de « mise au vert ».
Bernadette réfléchit : - Je suppose qu’Antoine sera de votre mise au vert.
Jacques hésite : - ...Naturellement.
Bernadette : - Et Jean-Pierre ?
Jacques : - Jean-Pierre ? quelle idée !... je ne sais pas ce que vous lui trouvez ?
Bernadette : - Il a parfois de très bonnes idées.
Jacques : - Il s’y connaît à virgule et publicité... allons bon... je vais appeler Antoine pour lui demander de l’ajouter à la liste de consultants.
Il sort.
Bernadette s’empresse de prendre le téléphone sous son fauteuil et appuie sur une touche. Quasi immédiatement :

Bernadette : - Antoine, mon ami, monsieur le maire n’arrive pas à vous joindre depuis ce matin.
Bernadette sourit. Bernard est catastrophé.
Bernadette : - Il voulait savoir comment vous alliez depuis hier soir.
Bernadette continue à sourire.
Jacques rentre : - C’est occupé.
Bernadette : - Je vous passe monsieur le maire, il vient juste d’arriver... tenez mon ami, Antoine souhaite vous parler.
Jacques : - Vous avez appelé Antoine !
Bernadette : - Par erreur monsieur le maire... encore un aléas du progrès technologique... j’ai dû malencontreusement appuyer sur M3 au lieu de M6... vous imaginez bien quelle ne fut pas ma surprise... tenez, il va s’impatienter... vous avez tant de choses à lui raconter.
Jacques a un regard « oh la garce ! » et parle rapidement : - Antoine, donc, pour cette mise au vert, tu peux ajouter Jean-Pierre dans la listes des consultants. Je suis d’accord avec toi, il n’a jamais eu la moindre idée mais il peut être utile pour les participes passés. Enfin, s’il ne peut pas venir, ce ne sera pas grave ! L’important est qu’il se sente de l’aventure, qu’il puisse dire j’ai participé et nous fasse une bonne publicité du livre dans sa région.
Donc tu t’occupes de tout comme convenu, tu nous loues un gîte rural pas trop loin. (Bernadette sourit) Je suppose que tu as déjà travaillé aux grands chapitres, comme je le disais à Bernadette, je n’y aurais jamais pensé sans ton aide.
Jacques pour le public : - Mais il ne comprend rien cet âne ! il est même capable de réserver un gîte rural aussitôt que j’aurais raccroché. Putain, comment lui faire comprendre !
Jacques au téléphone : - Oui, tu prévois déjà un plan marketing à la hauteur de l’événement... je ne sais pas moi, quelles sont les meilleures émissions pour présenter un livre à la télévision....

Jacques soulagé, pour le public : - Il a pigé.
Jacques au téléphone : - Je te rappelle incessamment pour valider l’ensemble du planning... oui oui... on a tout notre temps... oui... (Jacques sourit)
Il s’apprête à raccrocher...

Bernadette : - Tu me le passes, s’il te plaît...
Jacques inquiet : - Bernadette a encore trois mots à te dire... ah, tu es pressé...
Bernadette tend le bras et subtilise l’appareil : - Antoine, mon ami, excusez-moi trente secondes... (elle pose la main sur l’appareil et sourit, Jacques est perplexe sur ses intentions)
Jacques : - Servez-nous, Bernard.
Bernadette : - Antoine, nous avons pensé avec monsieur le maire, pour accroître votre popularité auprès des petites gens, votre présence serait appréciée en Corrèze, à mes côtés. Vous y rencontriez la presse locale et le gratin du département...

Jacques au public : - La garce ! et le petit Antoine va tomber dans le panneau. (imite :) « mais c’est une merveilleuse idée, madame, je n’ai rien de prévu »). Idiot, il a compris que l’histoire du gîte c’est du pipeau mais il n’est pas foutu de comprendre qu’à « madame » il doit répondre « mais je serai avec monsieur le maire ».... Ou alors c’est sa manière à lui de me trahir, de jouer les idiots ?
Jacques prend la coupe que Bernard lui présentait depuis quelques instants. Et la vide cul sec.
Bernadette : - Vous êtes un véritable ami Antoine. Monsieur le maire me l’a si souvent répété, vous nommer premier ministre serait le plus beau jour de sa vie.


Jacques se fait resservir une deuxième coupe, la vide cul sec. Puis une troisième (Bernadette l’observe et perd son sourire). Une quatrième.

Bernadette au public : - Mon Dieu ! Oui, je lui ai montré que je ne suis pas dupe. Mais je ne peux même pas en triompher. Mon Dieu, il n’y a plus que ça qui le tienne debout. Qu’il y aille avec cette secrétaire, qu’elle lui offre le fruit de son noctambulisme, cette névrosée.

Bernadette : - Monsieur le maire vous rappellera. Bonne journée mon ami.
Bernadette raccroche.

Bernadette : - Georges, vous pourriez aussi m’offrir une coupe.
Bernard verse du champagne dans une coupe et la tend à Bernadette.

Jacques : - Allez, trinquons.

Bernadette : - Oui, trinquons à cette magnifique petite valise.
Ils trinquent (Bernadette sourit quand elle trinque avec Bernard).

Rideau.



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